Du 24 au 29 août dernier, j’ai eu la chance de partir en Lettonie pour un camp d’entraînement pour jeunes organisé par la fédération européenne d’haltérophilie (EWF). C’était pour moi la première fois que je représentais la Belgique pour ce noble sport qu’est l’haltérophilie et non pas en tant qu’athlète mais en tant que Coach !
Après plus de 2000km en avion, nous avons atterri à Riga où un des officiels, Edwards, nous attendait. Nous avons pris le bus à destination de Ventspils à 200km de là où se trouve le centre d’entraînement olympique, lieu où nous allions vivre pendant près de 6 jours.
Une fois arrivés, après avoir pris soin de déposer nos bagages à l’hôtel, nous décidons d’aller faire un petit tour du propriétaire. Et s’il y a bien une chose à en dire, c’est que nous n’avons rien de semblable en Belgique ! Piste d’athlétisme de 8 couloirs, patinoire olympique, terrains de football, innombrables salles multisport, salles de fitness, piscine, salle d’entraînement pour l’haltérophilie et tout un tas d’autres salles que nous n’avons pas eu l’occasion de voir… Tout ça dans un rayon de 5 minutes de marche de notre hôtel ! Hôtel qui était le lieu d’ébergement des athlètes présents sur le site olympique. Tout est organisé pour que les athlètes aient tout à disposition et ne doivent se concentrer que sur une seule chose : s’entraîner ! Cela semble être le seul moyen de promouvoir le sport et d’arriver aux meilleurs résultats sur la scène internationale. Il est alors dommage de voir qu’un pays de 2 millions d’habitants investit plus de moyens dans le sport qu’un pays comme le nôtre, qui compte presque 6 fois plus d’habitants…
Nous commençons chaque journée par un échauffement général afin de préparer les jeunes pour la journée qui va suivre. Nous avions ensuite une séance d’entraînement au matin et une l’après-midi. Enfin, en soirée, les coaches étaient réunis afin d’assister à une conférence. Je reviendrai sur ce que j’ai appris durant chacune des ces périodes de la journée ! Commençons par la première étape quotidienne : l’échauffement !
Préparer le corps
La première chose qui m’a marqué en assistant aux échauffements, c’est que les coaches semblaient plus réticents à se lever et se mettre en mouvement, même si nous n’étions pas obligés d’y prendre part directement, que les athlètes. Il se trouve que nous n’avions pas accès au café avant le petit déjeuner. Compréhensible donc ! Le premier jour, ce sont les officiels qui se sont occupés de réveiller tout ce beau monde et ensuite, ils ont désigné plusieurs délégations pour s’en occuper les jours suivants. Accompagnés de la Grande-Bretagne et de l’Islande, nous avons donc imaginé et mis en œuvre la première activité de la journée. Au programme : course, sauts, plyométrie, drills de réaction au contact du sol, gainage et étirements et même un petit jeu de rapidité. Chacun organisait une partie de l’échauffement dans laquelle il se sentait plus à l’aise. Alors, si de l’avis de l’entièreté des membres de notre petit groupe, il s’agissait du meilleur échauffement de la semaine car adressant toutes, ou quasiment toutes, les facettes travaillées en l’haltérophilie. Ce qu’aucun autre groupe n’avait fait. Mais peut-être voulions-nous juste flatter un peu notre égo ! Qui sait ?! N’ayant que 30 minutes à notre disposition, nous avions d’autres idées que nous n’avons malheureusement pas eu l’occasion de mettre en œuvre comme des sprints. Et durant cette petite semaine, j’ai été surpris de constater que personne ne les a utilisés ou même des exercices de plyométrie, si ce n’était les britanniques. Idem pour les lancers et autres exercices de développement général. Cependant, pouvoir observer d’autres pays à l’œuvre aura été pour le moins instructif tant pour des idées que je pourrais incorporer à ma pratique en tant que coach et d’autres que je n’ai pas trouvées pertinentes. Parmi ces idées, l’idée de travailler de manière plus ludique avec des jeunes est celle qui mérite d’être la plus retenue. Être un athlète, de niveau mondial parfois, ne devrait pas les empêcher de s’amuser dans leur pratique. Et si l’haltérophilie n’est pas un sport ludique de par sa nature, je ne pourrais que conseiller aux coaches et entraîneurs d’implémenter plus de jeux ou de défis dans leurs entraînements et ce surtout avec les jeunes !

Un peu plus tard dans la matinée, il était temps pour les athlètes de s’attaquer à la première session d’entraînement de la journée. Souvent, il s’agissait d’une séance dédiée à l’arraché et à des mouvements plus techniques. C’est une approche somme toute assez logique, car d’accoutumée, le corps est plus préparé à exprimer sa force maximale en après-midi, après avoir eu le temps de se mettre en route. Les athlètes étaient donc aussi plus concentrés pour les mouvements requérants plus d’attention. Peu d’exercices étaient proposés afin que les athlètes répètent un maximum ‘’leurs gammes’’. Il nous était demandé de modérer l’intensité afin de maximiser le travail technique et de ne pas induire une fatigue trop importante chez les jeunes.
La seconde session d’entraînement se déroulant bien sûr après un bon repas et une petite sieste présentait l’opportunité de monter un peu l’intensité de l’effort, le corps étant plus disposé à des charges plus lourdes. L’épaulé-jeté et les squats faisaient donc partie du programme post meridiem. Une séance donc plus éprouvante mais récompensée par un autre copieux repas et une soirée calme pour les athlètes. Pour les coaches, c’était l’occasion de se frotter à un aspect un peu plus théorique et d’assister avec une morosité non dissimulée pour certain(e)s à une petite conférence. Si l’initiative s’ancrait parfaitement dans le cadre du ‘’Scientific Seminar’’, j’ai été déçu que cet aspect de l’expérience n’ait pas eu droit à une place plus importante. Nous devions assister à 1h minimum de séminaire par jour. Heure qui s’est vite transformée en 45 minutes et qui n’a pu avoir lieu qu’à deux reprises. Une des deux séances a été dédiée en partie à l’étude du fonctionnement du site internet de l’EWF ainsi qu’à quelques rappels concernant le dopage. L’aspect le plus notable de cette session informative fut d’informer les coaches de l’existence de l’EWF Magazine, qui compile tout un tas d’études et de réflexions sur l’haltérophilie et les sports de force. N’hésitez pas à y jeter un œil à l’occasion car il n’y pas mieux en ce qui concerne la compilation de la recherche dans ce domaine.
L’autre soirée de conférence fut l’occasion pour nous d’aborder l’importance de la compréhension de la Physique ainsi que de l’anatomie de l’athlète. Nous avons tendance à l’oublier, et surtout lorsque nous pratiquons du sport, mais tous nos mouvements sont régis par les lois de l’Univers ! Trois principes vont être primordiaux dans notre pratique : l’inertie, l’accélération et la réaction. À chaque fois que nous sommes sur le point de soulever la barre, nous devrions garder ces trois principes à l’esprit. Vaincre l’inertie requiert de la rigidité musculaire surtout dans le haut du dos et de pouvoir produire une accélération contrôlée. La réaction peut être appliquée grâce à un point de contact avec le sol, point de contact se révélant être ? Je vous le donne dans le mile : les pieds ! C’est la principale raison pour laquelle je ne suis pas un fan de l’école soviétique en haltérophilie. On y apprend le padriff aux athlètes. Le padriff est en quelque sorte l’instruction de sauter en l’air et de faire claquer les pieds sur la plate-forme. On peut donc identifier l’école technique à l’oreille. L’inconvénient de cette technique s’explique par une capacité réduite de l’athlète à appliquer une force de réaction contre la barre, n’empêchant pas cette dernière de l’écraser car passant plus de temps en l’air. À contrario, nous avons l’école chinoise qui apprend aux athlètes à faire glisser les pieds à l’extérieur afin de maximiser le temps passé au sol et donc à appliquer une force de réaction sur la barre. Moins de bruit, plus de contrôle ! De surcroît, la première école, du fait de son claquement de pieds agressifs, ne semble pas favoriser la longévité des genoux et des talons. Raison de plus de préférer le glissement des pieds !

En ce qui concerne l’anatomie des athlètes et plus précisément l’analyse morphologique, deux zones ont été passées à la loupe : le membre supérieur et la cheville. Pour ce premier, le poignet va faire l’objet d’une attention particulière notamment parce qu’un mauvais positionnement lors de la réception de la charge peut provoquer des blessures au niveau du coude et de l’épaule. Restons donc vigilant ! L’épaule a également fait l’objet d’une attention particulière. Avoir une très bonne mobilité de la ceinture scapulaire va permettre de réceptionner la barre dans des positions bien plus confortable et si besoin de s’en échapper. Tout cela sans se blesser bien sûr. Une bonne mobilité de cheville va servir les mêmes fonctions. Pour déceler d’éventuelles lacunes à ce niveau, l’EWF se sert de certains tests. Tests sombres et obscurs pour certains tandis que pour certains professionnels éclairés, ces tests font partie du quotidien ! J’espère que vous aurez bien sûr pensé à votre kiné. Parmi ces tests nous retrouvons le test de Thomas qui permet d’évaluer la souplesse des ischios-jambiers, un autre se fera à l’aide d’un goniomètre (outil permettant de mesurer les amplitudes articulaires) pour mesurer la flexion plantaire et la flexion dorsale de cheville. Cette dernière étant bien évidemment directement corrélée à une capacité à descendre plus bas lors d’un squat, ce qui est une compétence indispensable en haltérophilie. Une dorsiflexion inférieure à 30° poserait problème et il faudrait donc veiller à travailler dessus afin de gagner quelques degrés supplémentaires. Un autre test proposé par les officiels était de simplement passer un bras dans le dos par-dessus et l’autre par-dessous et de tenter de joindre ses mains. Ce que j’ajouterai comme précision par rapport à ceci est qu’il n’est somme toute pas très intéressant de comparer les résultats de ces tests à une norme mais plutôt de comparer les deux côtés d’un même athlète. Le regarder bouger sous la barre donnera vite une idée des zones pour lesquelles un test serait nécessaire. Comme quoi être un bon coach c’est également avoir un petit côté kiné !
Pour nous aider à y voir plus clair et surtout à faire usage des nouvelles technologies, l’EWF a proposé deux sessions d’observation des athlètes sous un programme d’analyse vidéo. La trajectoire de la barre, son accélération et également les mouvements du corps autour de la barre peuvent ainsi être examiné avec précision. Si l’utilisation de pareil programme demande de l’expérience, je ne peux que conseiller son utilisation. Certains logiciels sont payants et vous coûterons un bras, un rein et probablement un crédit en plus. Mais j’ai pensé à ceux d’entre nous qui ne peuvent pas se permettre de sacrifier un organe ! Un bon logiciel disponible sur Android et ayant quelques caractéristiques intéressantes est Bar Sense Weight Lifting Log (disponible ici : https://play.google.com/store/apps/details?id=com.barsense.main). La version payante offre quelques ajouts intéressant pour un coût ne dépassant pas celui de votre Pils préférée. Un autre programme disponible gratuitement mais cette fois-ci sur ordinateur Windows est Kinovea (https://www.kinovea.org/). Ce dernier peut également être utilisé pour n’importe quel autre sport et présente donc un atout pour n’importe quel coach et préparateur physique.

Comme vous aurez pu le comprendre au travers des différents passages que je relate, l’approche pour chaque athlète était assez individualisée. ‘’L’entraînement c’est une recette : différente selon les personnes !’’ comme a pu me le dire Colin Buckley, le responsable du comité scientifique et de recherche en coaching de l’EWF. Ce n’est donc pas parce qu’un autre coach fonctionne différemment qu’il est dans le mauvais, il a juste une recette différente. Gardons cela à l’esprit lorsque nous avons un doute sur les capacités de certains compères. Tâchons de goûter à leur recette avant de la juger.
Les pièges à éviter
L’échauffement ainsi que les séances d’entraînement ont été pour moi l’occasion de pouvoir jeter un coup d’œil attentif sur les us et coutumes de mes confrères étrangers. J’ai ainsi pu remarquer que certain(e)s coaches faisaient faire des exercices par tradition ou mimétisme. Alors si nous apprenons par mimétisme et imitation durant les premières années de notre vie, lorsqu’il s’agit de coaching ou d’entraînement, nous ne pouvons pas agir de la sorte. Nous devons comprendre les principes qui sont les fondations de tout programme d’entraînement. Si nous ne pouvons pas l’expliquer à notre athlète ou à qui veut bien l’entendre, nous ne faisons que du mimétisme ou suivre une tradition… Or, nous avons passé l’âge de le faire !
La bonne approche à adopter est de s’inspirer de la manière moderne de raisonner du corps médical : l’Evidence-Based Pratice ou la pratique basée sur les preuves. L’idée est de donner plus de place aux données probantes (comprendre par là ce que dit la science) et moins à l’intuition ou justement la tradition et le mimétisme. L’EBP est en quelque sorte un tabouret à 3 pieds (comme tous les tabourets me direz-vous) où le premier pied représente les meilleures preuves de recherche dans ce domaine, le second correspond à l’expertise et au jugement du praticien et le dernier se rapporte au système de valeurs et de préférence du patient. Chaque pied est indispensable au bon fonctionnement du tabouret et un pied seul ne sert pas à grand-chose.
Si vous avez lu mon article sur le port de la ceinture lombaire, vous savez que je n’en suis pas un grand fan (https://smartandstrong270241888.wordpress.com/2018/05/20/pourquoi-le-bracing-et-le-port-dune-ceinture-lombaire-lors-de-manipulation-de-charges-sont-ils-importants/) . Enfin, je ne suis pas un fan si elle est utilisée à tout va et trop précocement. Ce qui est le cas de la plupart des ‘’souleveurs’’ de fonte. J’ai remarqué que c’était également le cas pour la plupart des jeunes présent sur place. La ceinture est vraiment utilisée comme une béquille et non pas comme un petit plus à utiliser sporadiquement. Alors si ce n’est pas grave et que cela ne contribue pas à rendre la sangle abdominale de ces jeunes aussi forte que possible, porter de l’équipement de soutien pourrait avoir des répercussions plus graves dans le futur. Colin Buckley, nous expliquait que porter des wrist wraps et knee sleeves trop souvent et surtout en les serrant pouvait empêcher le liquide synovial de circuler librement dans les articulations. Cela pourrait amener à une arthrose précoce tout comme à une calcification. Je ne suis pas très convaincu, principalement parce que leurs arguments n’ont pas été étayé par des références scientifiques et que je n’ai rien trouvé sur le sujet. Cependant, je suis entièrement d’accord quant au fait que cela aura des répercussions sur le développement de l’athlète. Dépendre du matériel de soutien que sont les sleeves et wraps ne va pas aider à renforcer les articulations du poignet et du genou puisqu’une partie du poids est soutenue par le matériel. De plus, le soutien prodigué pourra inciter les athlètes ayant des douleurs ou des blessures à les ignorer car se sentant plus en sécurité. Attendons quelques années avant de les proposer à nos athlètes et s’ils se les prodiguent par leurs propres moyens, ne soyez pas effrayés de les mettre au placard ! Au moins pour un temps…

Si vous me connaissez depuis maintenant plusieurs années, vous savez que j’ai pris pas mal de poids depuis que j’ai été introduit aux sports de force. Certains diront que je suis en surpoids d’autres que je ne mange pas assez. J’aurais tendance à dire que c’est plutôt la seconde idée qui me plaît le plus ! J’ai également remarqué que cela semblait être un souci pour pas mal de jeunes athlètes. Alors bien sûr le souci n’est pas qu’ils et elles ne mangent pas assez mais plutôt qu’ils se trouvent dans des catégories de poids trop basses ! Pour les jeunes, le développement sur le long terme devrait être la priorité et souvent cela passe par la case prise de poids et surtout de muscle ! Un athlète plutôt fin et longiligne devrait prendre suffisamment de poids pour qu’on ne le trouve plus ‘’fin’’. Il n’est pas rare de commencer dans une catégorie de poids et d’ensuite monter. À mes débuts, j’ai commencé en -85kg et je suis maintenant en -96/102kg (en fonction de mon repas de la veille). Vouloir cantonner les jeunes haltérophiles en pleine croissance dans une catégorie de poids est une erreur. De plus l’encourager à prendre du poids et surtout du muscle aura un effet significatif sur ses performances et sur sa santé et donc sa longévité dans le sport. Les muscles protègent les articulations, ce qui n’est pas inintéressant pour un sport aussi exigeant pour celles-ci que l’haltérophilie. Toutefois, si l’athlète prend trop de masse grasse, ce n’est pas une bonne chose car elle ne fera que l’alourdir et le/la rendre moins athlétique.
Avec maintenant un peu de bouteille, je me rends compte qu’à mes débuts je n’ai probablement pas passé assez de temps à rappeler que la technique prime toujours sur la charge. L’envie de voir ceux sous sa supervision progresser et peut-être avoir l’occasion de réaliser des records personnels peut prendre le dessus sur une approche plus rationnelle et moins flatteuse. Avec un sport aussi technique et exigeant que l’haltérophilie, nous ne pouvons pas nous permettre de laisser l’ego s’en mêler. La technique va présenter la fondation sur laquelle la charge va pouvoir s’ériger. Si la fondation n’est pas solide, la structure finira par s’effondrer ! Alors un coach ne peut pas demander à un débutant d’avoir une technique parfaite (si l’on conçoit que la perfection existe), j’en suis conscient ! Nous pouvons cependant être de plus en plus exigeant au fur et à mesure que la charge et l’intensité augmente ! La technique et la charge montent ensemble. Si la technique ne s’améliore pas, c’est que la charge est trop importante. Après il est normal que les erreurs deviennent plus marquées plus vous serez proche de votre maximum, mais cela ne doit pas être une excuse pour les accepter et ne pas tenter de s’en débarrasser. Évaluons un coach sur sa capacité à produire des athlètes avec de bonnes qualités techniques et peu d’échecs plutôt que sur le poids de la barre !
Ce camp a été pour moi l’occasion d’apprendre et de réfléchir sur ma pratique en tant que coach et en tant qu’athlète mais tout ce que j’ai pu apprendre n’est pas venu des officiels de l’EWF mais plutôt des autres coaches présents. Voici quelques pensées et réflexions échangées lors de la dernière soirée !
La richesse des échanges
Lors de la soirée de clôture du camp, la majorité des athlètes et des coaches ont pris la direction d’un petit restaurant. Ce fut pour nous l’occasion d’échanger sur nos vies, nos anecdotes et sur la place de l’haltérophilie (ou d’autres sports) dans la vie politique de nos patries respectives. C’est bien ce dernier sujet qui aura animé une grande partie de notre soirée. Je leur ai expliqué qu’en Belgique les athlètes étaient peu aidés pour performer au mieux, surtout en ce qui concerne le soutien financier. Et que pour les plus chanceux d’entre eux qui le sont, ils ont une obligation de présenter un certain niveau de performance sur la scène internationale de façon annuelle. Au risque de perdre leur soutien pécunier si ce n’est pas le cas. Ce choix de la part de l’ADEPS a fait l’effet d’une bombe ! Les coaches ne comprenaient pas pourquoi demander à des athlètes d’être bon chaque année pour des compétitions comme les championnats d’Europe ou du monde alors que la seule chose qui importe réellement sont les Jeux Olympiques, le pinacle de toute carrière sportive. On place autant d’attentes en nos athlètes peu importe la compétition et ne leur laissons pas l’occasion de peut-être mieux se préparer pour les JO. Il se trouve que des Jeux ne se préparent pas 1 ou 2 ans avant leur déroulement mais au minimum 3 ans au préalable voire juste après la fin des précédents ! Plutôt que de vouloir obliger nos sportifs à s’aligner sur des compétitions parfois peu prestigieuses pour obtenir des résultats, comprenons que les résultats les plus importants sont ceux des Olympiades. Et ce sont les seuls résultats qui devraient importer. Finançons les athlètes sur des plans à 4-5 ou même 8 ans afin de s’assurer qu’ils auront la stabilité nécessaire pour pouvoir s’entraîner en vue des JO sereinement, et ne pas se battre chaque année pour reconduire leur financement. Autrement, la Belgique devra se contenter d’athlète auto-suffisants pour remporter des médailles, ce qui ampute grandement le parc sportif belge.
Une autre partie de la discussion s’est dirigée vers l’haltérophilie et sa place en Belgique. Les britanniques ont été déçu d’apprendre que malgré une championne du monde U17, des records d’Europe U15, un belge membre du comité scientifique et de recherche en coaching de l’EWF, de nombreux JO et un des plus grands haltérophiles ayant foulé cette terre, l’haltérophilie est à peine connue et surtout pas mise sur le devant de la scène médiatique. Peu de pays peuvent en dire autant et pourtant nombre d’entre eux mettent notre noble sport un peu plus en valeur. Enfin, il en faudrait plus que pour que la Belgique se détourne du football et du cyclisme.
La conversation se poursuit et après un petit retour sur l’organisation avec un des membres du staff, j’en apprends un peu plus sur la façon des autres pays de gérer le coaching de leurs athlètes. En discutant avec la Norvège, Malte, Saint Marin, l’Irlande et la Grande Bretagne, je me rends compte que, contrairement à ces pays-là, la Belgique n’a pas un coach national. Enfin, nous en avons un officieux… Mais puisque nous n’avons pas vraiment d’équipe nationale cela semble quelque peu logique. Les athlètes belges concourant en international font le choix de qui ils veulent voir s’occuper d’eux. Ils ont le choix de qui les accompagne. Si je ne vois pas d’inconvénient à ce mode de fonctionnement, il est quand-même dommage de constater, qu’à contrario d’autres pays, nous n’avons pas cette figure de proue qui guide la barque de l’haltérophilie nationale de manière officielle. De la même façon, aucun stage n’est organisé de manière officielle pour les athlètes belges de niveau international. Juste ce que l’un ou l’autre entraîneur peut organiser par ses propres moyens. Comme souvent en Belgique, le sport est loin d’être à la pointe…

La soirée avance et être en compagnie d’irlandais et de gallois ne fait pas mes affaires : un fameux breuvage houblonné m’est sans cesse servi alors que la place se vide progressivement. Ce qui a pour résultat de nous réunir et de parler un peu plus de nos vies. Certains discutent du temps où ils étaient athlètes tandis que d’autres racontent leurs dernières prouesses en compétition ou à l’entraînement. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte du travail qu’il me restait à accomplir en tant qu’athlète avant d’en arriver à être le meilleur coach possible ! Car oui, pour être un bon coach, il faut avoir été athlète et au moins avoir tenté d’arriver au plus haut niveau possible en fonction de ses capacités. Tout comme il faut certaines connaissances théoriques sur la physiologie, l’anatomie ou encore les sciences de l’entraînement et bien sûr de l’expérience en coaching. Ces trois aspects sont indispensables pour être le meilleur possible et lorsque tu te mettras à la recherche d’un coach ou entraîneur, tu devrais t’assurer qu’il/elle correspond à au moins deux de ces critères ! Comme quoi étudier la médecine, la kiné ou l’éducation physique prépare déjà au coaching. Et inversement, un bon coach devrait partager certaines compétences avec un kiné ou un médecin et si ce n’est pas le cas, travailler avec eux !
Ces pensées n’ont pas été échangées lors d’une conversation mais sont plutôt le reflet d’une réflexion sur ce que cela veut dire de coacher des athlètes. Cependant ici, je ne prends pas en compte les compétences sociales que l’on devrait avoir, juste l’expérience et les connaissances. Mais c’est un autre débat que j’aborderai peut-être dans un autre article.
Alors que les verres se vident et que certains d’entre nous rejoignent l’hôtel, nous nous retrouvons en comité restreint ! Seule la Lettonie, la Grande Bretagne et la Belgique sont encore au taquet. C’est à ce moment là que je me surprends à parler d’athlétisme avec Rodd, le coach de la Grande Bretagne, de son fils et de l’intérêt de laisser les jeunes faire le sport qui leur plait et de ne pas les pousser à performer trop vite au risque de les dégoûter et les perdre. Il me raconte une histoire sur le fait que durant ses nombreuses années à accompagner des athlètes à travers le monde, il lui est arrivé de tomber sur des jeunes très doués dans le sport mais nulle part dans la vie. S’en est suivi une petite réflexion sur le rôle que nous devons avoir avec les athlètes sous notre supervision. Alors si nous ne sommes pas eux ou leurs parents et ne pouvons donc pas les obliger à quoi que ce soit, nous ne devons pas pour autant nous limiter à les conseiller uniquement sur l’entraînement. Nous devrions plus souvent les aider à y voir plus clair sur comment manger correctement par exemple et s’il faut, l’expliquer également à leurs parents. Ou encore avoir un rôle de guide, de mentor pour ces jeunes et qu’un jour ils puissent voler de leurs propres ailes. Coacher n’est pas une activité ou un métier à prendre à la légère : notre façon d’agir et nos actes résonnent au travers de ceux et celles sous notre direction ! Faisons-en sorte de faire de notre mieux, chaque jour, chaque fois que nous les voyons !
Voilà qui clôture mon retour sur ce voyage très riche ! Alors si je ne voulais que vous reteniez que 3 idées de cette lecture, somme toute plus longue qu’initialement prévue, les voici :
1) Les athlètes sont de l’argile que nous devons modeler. Évitons tout de fois de les cuire trop vite, au risque de les figer et de les casser. Voyons à long terme ! Chacune de nos actions aura un impact direct sur leur développement en tant qu’athlète mais également en tant que personne et membre de la société ! Pensons à eux avant de penser à nous ! Un titre mondial en cadet ou junior sera bien pour notre renommée mais un titre senior ouvrira bien plus de portes aux athlètes !
2) La Terre gravite autour du Soleil. La pomme tombe de l’arbre. Si je pousse mon petit frère, il tombera par terre. Chaque action se déroulant dans l’univers est régie par les lois de la physique. Chaque décision technique aura une incidence sur la mécanique du système barre-athlète. Gardons cela à l’esprit et surtout les trois principes newtoniens qui nous concernent directement : inertie, accélération et réaction.
3) Même en tant qu’adulte et personne de référence pour les athlètes gardons à l’esprit que nous sommes humains et par conséquents faillibles. Nous n’avons pas réponse à tout, ne savons pas tout et pouvons nous tromper. C’est inévitable ! Mais il est possible de garder un esprit ouvert et de continuer à se former un maximum au quotidien afin de ne pas se laisser dépasser trop vite. Restons d’éternels étudiants, ne prenons jamais rien pour acquis et surtout gardons ce côté athlète en nous avec son envie de continuellement atteindre des sommets toujours plus hauts et de s’améliorer en tant que coach !


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